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Histoire de Noureddin Ali, et de Bedreddin Hassan

 la quatre vingt dix seizième nuit

LA sultane des Indes ayant été réveillée par sa sœur Dinarzade à l’heure ordinaire, elle reprit la parole, et l’adressant à Schariar :
Sire, dit-elle, le calife ne s’ennuyoit pas d’écouter le grand visir Giafard, qui poursuivit ainsi son histoire :
On enterra donc, dit-il, Noureddin Ali avec tous les honneurs dus à sa dignité. Bedreddin Hassan de Balsora, c’est ainsi qu’on le surnomma, à cause qu’il était né dans cette ville, eut une douleur inconcevable de la mort de son père. Au lieu de passer un mois, selon la coutume, il en passa deux dans les pleurs et dans la retraite, sans voir personne, et sans sortir même pour rendre ses devoirs au sultan de Balsora, lequel, irrité de cette négligence, et la regardant comme une marque de mépris pour sa cour et pour sa personne, se laissa transporter de colère. Dans sa fureur, il fit appeler le nouveau grand visir ; car il en avait nommé un dès qu’il avait appris la mort de Noureddin Ali ; il lui ordonna de se transporter à la maison du défunt, et de la confisquer avec toutes ses autres maisons, terres et effets, sans rien laisser à Bedreddin Hassan, dont il commanda même qu’on se saisît.
 » Le nouveau grand visir, accompagné d’un grand nombre d’huissiers du palais, de gens de justice et d’autres officiers, ne différa pas de se mettre en chemin pour aller exécuter sa commission. Un des esclaves de Bedreddin Hassan qui était par hasard parmi la foule, n’eut pas plutôt appris le dessein du visir, qu’il prit les devants et courut en avertir son maître. Il le trouva assis sous le vestibule de sa maison, aussi affligé que si son père n’eût fait que de mourir. Il se jeta à ses pieds tout hors d’haleine ; et après lui avoir baisé le bas de la robe : « Sauvez-vous, Seigneur, lui dit-il, sauvez-vous promptement. » « Qu’y a-t-il, lui demanda Bedreddin, en levant la tête ? Quelle nouvelle m’apportes-tu ? » « Seigneur, répondit-il, il n’y a pas de temps à perdre. Le sultan est dans une horrible colère contre vous, et on vient de sa part confisquer tout ce que vous avez, et même se saisir de votre personne. »
 » Le discours de cet esclave fidèle et affectionné mit l’esprit de Bedreddin Hassan dans une grande perplexité. « Mais ne puis-je, dit-il, avoir le temps de rentrer et de prendre au moins quelqu’argent et des pierreries ? » « Seigneur, répliqua l’esclave, le grand visir sera dans un moment ici. Partez tout-à-l’heure, sauvez-vous. » Bedreddin Hassan se leva vîte du sofa où il étoit, mit les pieds dans ses babouches ; et après s’être couvert la tête d’un bout de sa robe pour se cacher le visage, s’enfuit sans savoir de quel côté il devoir tourner ses pas, pour échapper au danger qui le menaçait. La première pensée qui lui vint, fut de gagner en diligence la plus prochaine porte de la ville. Il courut sans s’arrêter jusqu’au cimetière public ; et comme la nuit s’approchait, il résolut de l’aller passer au tombeau de son père. C’était un édifice d’assez grande apparence en forme de dôme, que Noureddin Ali avait fait bâtir de son vivant ; mais il rencontra en chemin un juif fort riche qui était banquier et marchand de profession. Il revenait d’un lieu où quelqu’affaire l’avait appelé, et il s’en retournait dans la ville. Ce juif ayant reconnu Bedreddin, s’arrêta et le salua fort respectueusement…
En cet endroit le jour venant à paraître, imposa silence à Scheherazade, qui reprit son discours la nuit suivante.

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