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Histoire de Noureddin Ali, et de Bedreddin Hassan

 La cent et cinquième nuit

« SIRE, continua le visir Giafar, après que Bedreddin Hassan se fut opiniâtré à soutenir que tout ce qu’il avait dit, était véritable, il se leva pour entrer dans la ville, et tout le inonde le suivit en criant : « C’est un fou, c’est un fou. » À ces cris, les uns mirent la tête aux fenêtres, les autres se présentèrent à leurs portes ; et d’autres se joignant à ceux qui environnaient Bedreddin, criaient comme eux : « C’est un fou, sans savoir de quoi il s’agissait. » Dans l’embarras où était ce jeune homme, il arriva devant la maison d’un pâtissier qui ouvrait sa boutique, et il entra dedans pour se dérober aux huées du peuple qui le suivait.
« Ce pâtissier avait été autrefois chef d’une troupe d’Arabes vagabonds qui détroussaient les caravanes ; et quoiqu’il fût venu s’établir à Damas, où il ne donnait aucun sujet de plainte contre lui, il ne laissait pas d’être craint de tous ceux qui le connaissaient. C’est pourquoi dès le premier regard qu’il jeta sur la populace qui suivait Bedreddin, il la dissipa. Le pâtissier voyant qu’il n’y avait plus personne, fit plusieurs questions au jeune homme ; il lui demanda qui il était, et ce qui l’avoir amené à Damas. Bedreddin Hassan ne lui cacha ni sa naissance ni la mort du grand visir son père ; il lui conta ensuite de quelle manière il était sorti de Balsora, et comment, après s’être endormi la nuit précédente sur le tombeau de son père, il s’était trouvé à son réveil au Caire, où il avait épousé une dame. Enfin, il lui marqua la surprise où il était de se voir à Damas sans pouvoir comprendre toutes ces merveilles.
« Votre histoire est des plus surprenantes, lui dit le pâtissier ; mais si vous voulez suivre mon conseil, vous ne ferez confidence à personne de toutes les choses que vous venez de me dire, et vous attendrez patiemment que le ciel daigne finir les disgrâces dont il permet que vous soyez affligé. Vous n’avez qu’à demeurer avec moi jusqu’à ce temps-là ; et comme je n’ai pas d’enfants, je suis prêt à vous reconnaître pour mon fils, si vous y consentez. Après que je vous aurai adopté, vous irez librement par la ville, et vous ne serez plus exposé aux insultes de la populace. »
« Quoique cette adoption ne fît pas honneur au fils d’un grand visir, Bedreddin ne laissa pas d’accepter la proposition du pâtissier, jugeant bien que c’était le meilleur parti qu’il devait prendre dans la situation où était sa fortune. Le pâtissier le fit habiller, prit des témoins, et alla déclarer devant un cadi qu’il le reconnaissait pour son fils ; après quoi Bedreddin demeura chez lui sous le simple nom de Hassan, et apprit la pâtisserie.
« Pendant que cela se passait à Damas, la fille de Schemseddin Mohammed se réveilla ; et ne trouvant pas Bedreddin auprès d’elle, crut qu’il s’était levé sans vouloir interrompre son repos, et qu’il reviendrait bientôt. Elle attendait son retour, lorsque le visir Schemseddin Mohammed, son père, vivement touché de l’affront qu’il croyait avoir reçu du sultan d’Égypte, vint frapper à la porte de son appartement, résolu de pleurer avec elle sa triste destinée. Il l’appela par son nom ; et elle n’eut pas plutôt entendu sa voix, qu’elle se leva pour lui aller ouvrir la porte. Elle lui baisa la main, et le reçut d’un air si satisfait, que le visir, qui s’attendait à la trouver baignée de pleurs et aussi affligée que lui, en fut extrêmement surpris. « Malheureuse, lui dit-il en colère, est-ce ainsi que tu parois devant moi ? Après l’affreux sacrifice que tu viens de consommer, peux-tu m’offrir un visage si content ?…
Scheherazade cessa de parler en cet endroit, parce que le jour parut. La nuit suivante, elle reprit son discours, et dit au sultan des Indes :

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